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Au coeur de MAM...

Publié le 25/03/2013, dans Les chroniques de La Semaine | par La Semaine du Pays basque
Au coeur de MAM...

C’était au mois de décembre dernier. Paris. Rendez- vous avec MAM. Elle n’est pas du tout à l’heure (mais ce n’est pas de sa faute… pas le genre d’ailleurs !) et, du coup, nous n’avons même pas le temps de monter dans son bureau. On se réfugie dans un petit café sympa. J’ai un déjeuner au Sénat et je ne peux être trop en retard. On fera vite, mais MAM sait aller à l’essentiel. Pour la première fois depuis que je la connais, je la trouve ce jour-là vraiment différente, comme apaisée. Même heureuse… Enfin ! Oui Michèle est autre et la voilà, bien résumée, dans ces quelques lignes de son dernier et remarquable ouvrage : « Je regarde aujourd’hui la situation avec un certain détachement. Je me sens apaisée. Je trouve une forme d’humour aux aléas de la politique. J’ai le sentiment d’avoir bien servi mon pays, mes idées, selon les principes que j’ai appris. J’ai l’impression d’être plus forte qu’il y a dix ans, toujours pleine d’énergie. Une nouvelle vie va commencer, riche de toutes ces expériences irremplaçables, de la connaissance approfondie de l’Etat que je retire de ma participation à près de sept cents Conseils des ministres. » MAM est une perfectionniste. Elle est comme son père, elle sait ce qu’elle veut. Et comme son père, elle préfère réaliser elle-même quelque chose qui lui tient à coeur plutôt que de le confier à quelqu’un qui ne sera pas à la hauteur de ce qu’elle espère. Ce livre, son livre, elle aurait pu le « donner » à un journaliste. Mais il ne l’aurait pas aussi bien écrit… Il n’aurait pas aussi bien conté ce voyage dans l’âme et le coeur de MAM. Au plus près. Oui, ce bouquin est surprenant, passionnant, car pour la première fois, cette femme − que peu de gens connaissent réellement − se livre complètement. Comme si enfin elle trouvait utile de dire qui elle est vraiment et rendre, par la même occasion, un juste hommage à ses plus proches. Et c’est là, lapartie la plus touchante de son écriture. Mais c’est aussi probablement le livre le plus intéressant et le plus intelligent nous parlant de la vie d’un ministre sous la Ve République que j’ai pu lire. Et croyez-moi, j’en ai dévoré des souvenirs de politique et autres récits de journalistes… Mais ce n’était jamais écrit avec cette sensibilité si lucide. Oui MAM a su trouver le ton, les mots justes, les anecdotes, les sentiments, l’humanité, le réalisme qui font de son bouquin un fantastique témoignage de la vie d’une femme de coeur (ça peut surprendre, je sais…) au coeur de l’Etat. Réellement, c’est remarquable. Et tout ce qui concerne le récit de son action comme ministre de la Défense est fascinant. Dieu qu’elle a aimé ce Ministère. Dieu qu’elle a aimé l’Armée. Dieu qu’elle aime la France ! De plus, elle sait s’analyser avec lucidité et nous livre quelques clés : « Ceux qui ont essayé de m’écarter ou de m’abattre ont souvent négligé cet aspect, fondamental, de ma personnalité ; j’aime le combat et je suis habituée à me battre. Jeune, déjà, lorsqu’il y avait des contentieux, que ce soit avec une fille ou un garçon, on se retrouvait à l’arrêt de bus pour régler nos comptes, et quand je rentrais chez moi, les lunettes de travers, je racontais à ma mère que je n’avais pas vu un poteau… La myopie a, heureusement, quelques avantages comme alibi. » Et puis MAM, qui en a ramassé plus que de raison, notamment au temps de l’affaire tunisienne, sait aussi bâtir quelques portraits savoureusement vachards d’« amis » politiques. Ce n’est pas méchant, c’est juste… mortel Régalons-nous avec cette analyse sur l’illustre béarnais : « François Bayrou est un personnage dual. L’homme sait être chaleureux, sensible, émouvant même. Réservé, presque timide parfois, il est sincèrement attaché à sa famille, évoquant avec émotion son père décédé dans un accident, parlant avec admiration et adoration de sa mère, et se montrant très fier de ses enfants. C’est un intellectuel cultivé, raffiné, capable d’enchaîner citations et poèmes, et j’ai un souvenir très plaisant de la première campagne électorale que nous avons faite ensemble, en partageant la même voiture. L’homme politique est tout autre. Sûr de lui et de son destin jusqu’à la mégalomanie, manoeuvrier jusqu’à la trahison. J’ai été stupéfaite de l’entendre à notre première campagne, avant même d’être élu député, m’expliquer pourquoi et comment il serait président de la République. » Très intéressant également son opinion sur Sarkozy. Un témoignage autre : « Nicolas Sarkozy a une personnalité beaucoup plus complexe et riche que les portraits caricaturés qu’ont donnés certains médias, ou qu’un contact rapide et superficiel peut l’appréhender. Affectif plus que cynique ; acerbe dans ses propos mais incapable d’écarter de son entourage ceux dont il sait qu’ils lui nuisent, avide de reconnaissance plus que de médias, exaspérant et attachant ; curieux plus que péremptoire, physique mais sensible à la culture : fanfaron parfois, mais anxieux de bien faire […] Peut-être nous connaissons-nous trop pour être indifférents et pas assez pour être intimes. Nicolas Sarkozy ne manque pas d’occasions d’être délicat, attentif, bienveillant quand quelqu’un, proche de lui, passe une période difficile. Pourquoi ne sait-il pas apparaître aussi humain quand une caméra ou un micro traîne dans les parages ? Je l’ai vu sincèrement ému, réellement bouleversé lors des obsèques de policiers ou de gendarmes. Le geste de prendre un petit garçon par la main n’était pas fait pour les médias. Ça a toujours été un geste vrai, un élan de compassion et de tendresse pour un enfant désormais privé de son papa ou de sa maman. Qui l’a dit ? Qui l’a compris ? » MAM a aussi un drame dans sa vie. Elle a choisi de le partager avec les lecteurs, parce que, finalement, il explique beaucoup de choses chez elle. Je fus surpris et ému, moi le premier, qui pourtant connaissais son émouvant secret, de lire ces lignes : « Je n’avais jamais parlé d’elle auparavant. De sept ans ma cadette, Yannick a déclaré une sclérose en plaques à l’âge de vingt et un ans. Et dès lors, toute la famille s’est liguée pour la protéger. C’était une jeune femme intelligente, très belle, dont la maladie est devenue extrêmement handicapante à partir de 1994 jusqu’à son décès, en 2004. La maladie de ma soeur a structuré ma vie et m’a aidée à considérer comme secondaire la compétition politique. J’y voyais une forme d’injustice, qui me révoltait. Ma soeur était brillante, empêchée par la dégradation de sa santé de jour en jour, alors que moi, j’étais en possession de toutes mes facultés physiques. J’en ai fait un peu un complexe de culpabilité. J’évitais de me mettre trop en avant pour ne pas accroître chez elle le sentiment de ce qu’elle ne pouvait pas faire. J’aurais sans doute eu moins de retenue sans cette maladie et je me serais davantage intéressée à valoriser mon action dans les médias. Ensuite, c’est devenu une (mauvaise) habitude chez moi. Yannick se disait contente de ma réussite. Elle ne s’est jamais plainte, même les dernières années quand elle ne pouvait plus quitter le fauteuil de sa chambre. Souvent, en arrivant, je lui demandais : « Comment ça va ? » et elle répondait invariablement : « Ça va, comme toujours ! » Dans la famille, on n’a pas l’habitude de se lamenter et les femmes sont courageuses. » Un beau, bon et émouvant bouquin. Finalement, comme si MAM en écrivant ce livre avait fait sienne cette phrase de Sacha Guitry : « On ne m’aime jamais sans me haïr un peu. On ne me hait jamais sans un rien de tendresse. »
Au coeur de l’Etat
Michèle Alliot-Marie – Plon – 20 euros

1 COMMENTAIRE »
Par PHILIPPE LEDUC
Le 25/03/2013 à 19h11
Magnifique article ;magnifique critique. On pourait appliquer à MAM ce qu'elle dit de Nicolas Sarkozy:"Pourquoi ne sait-il pas apparaître aussi humain quand une caméra ou un micro traîne dans les parages ?" On dit souvent et avec raison qu'on accuse les autres de ses propres défauts;et celà est vrai aussi pour reconnaître ses propres qualités!
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